CONCOURS EUROVISION DE LA CHANSON (UER)

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© NRK

Le Concours Eurovision de la Chanson est une production de l'Union Européenne de Radio-Télévision

OSLO 1996

 

EUROVISION : LA PARTIE CACHÉE DE L'ICEBERG

Organiser l'Eurovision n'est pas une partie de rigolade ! A la clé de ce Concours : 500 millions de téléspectateurs. Ce n'est pas une mince affaire. Le soir du Grand Prix, tout se déroule en direct et personne n'a droit à la moindre erreur, artistes comme techniciens. Aussi, l'organisation du Concours oblige les délégations à venir au moins une semaine à l'avance, afin que les répétitions se déroulent au mieux. Les images que vous voyez sur le réseau Eurovision le grand soir nécessitent une masse de travail énorme.

Il faut dire que l'enjeu est considérable. C'est tout un pays qui doit donner la preuve à l'Europe entière de son savoir-faire. Pour illustrer la folle semaine précédent un Concours Eurovision, j'ai choisi de vous parler de celui de 1996, à Oslo. Un Concours particulièrement réussi, auquel j'ai eu la grande chance d'assister. C'était mon premier voyage au pays magique de l'Eurovision et de la Norvège.

© Pascal Cordier 1996
Photo Pascal Cordier © 1996

Dimanche 12 mai 1996

© Pascal Cordier 1996
Photo Pascal Cordier © 1996

C'est l'arrivée de la plupart des délégations. Le premier contact avec "Eurosong" se passe à l'aéroport de Fornebu où un guichet d'informations et d'accréditation attend tous les participants. Situé dans la zone de reprise des bagages, juste après le passage en douane, sur la gauche. Ce grand bureau à l'immense baie vitrée remet les cartes d'accréditation aux délégués ainsi que des brochures d'informations. Chaque délégation est accueillie par un guide. Ce guide a pour tâche de veiller en permanence sur l'ensemble de la délégation durant tout le séjour à Oslo, et de le rendre le plus agréable possible. Cette année encore, l'Australie et le seul pays non-participant à envoyer une délégation complète. Rappelons que ce pays souhaite participer un jour au Concours Eurovision et rêve de le voir un jour se dérouler à Sydney. Une prérogative que l'UER n'est pas prête d'accorder aux pays des Kangourous, du fait que l'Australie se trouve aux antipodes de l'Europe. Cette année, le pays avait l'impression de participer activement au Concours grâce à Gina G. qui est d'origine australienne.

Des cars sont mis à la disposition des délégations pour les amener de l'aéroport de Fornebu à leur hôtel à Oslo. La plupart des délégations séjournent dans le superbe SAS Radison Plaza Hotel, situé juste à côté de l'Oslo Spektrum. A ce sujet, une passerelle couverte relie l'hôtel à la salle de spectacle, voilà qui est pratique pour les artistes dans leur déplacement. Les frais d'hôtel étant à la charge des délégations, quatre d'entres-elles (dont l'Estonie) ont préféré résider dans des hôtels moins coûteux, situés néanmoins à proximité du Plaza (Terminus, Stefan et Spektrum). Durant cette semaine, on va beaucoup travailler, mais on n'oubliera sûrement pas de s'amuser de temps en temps. Ainsi, les délégations auront le temps de visiter Oslo. Le soir, du dimanche au vendredi, un "Euro Club" est ouvert au dernier étage du Plaza Hotel. Ce club est le lieu où les délégués, la presse et le personnel de NRK peuvent se rencontrer dans un cadre informel, discuter autour d'un verre, écouter de la musique... Le cadre y est agréable, et surtout la vue que l'on a de la Capitale est imprenable !

Lundi 13 mai 1996.

Les choses sérieuses commencent. C'est le premier contact avec l'Oslo Spektrum pour la plupart des candidats.

La rue principale d'Oslo - la "Karl Johan" - est en fête. Les drapeaux de 22 des 23 nations participantes pavoisent dans la grande allée. 22 drapeaux car l'on a égaré celui de la Bosnie-Herzégovine ! A Oslo, le temps est magnifique. Partout, il fleure bon l'Eurovision. Les magasins affichent des souvenirs du Concours qui va se dérouler et des drapeaux au logo d'Eurosong ne manquent pas dans les rues.

Allons voir maintenant du côté de l'Oslo-Spektrum. A l'entrée est installée une boutique de souvenirs Eurovision. On y vend de tout: disques, draps de bain, casquettes, badges, programmes, posters, tee-shirt, sweat-shirt, appareils photo, etc., le tout bien sûr au logo Eurosong 96. Au troisième étage se trouve le centre de presse. Chaque journaliste bénéficie d'un ordinateur pour écrire son papier, d'une imprimante, d'un fax et d'un photocopieur. A côté du centre de presse, on peut se divertir et bien manger grâce au restaurant "Brasseriet".

© Pascal Cordier 1996
Photo Pascal Cordier © 1996

Bien sûr, pas tout le monde a le droit de s'aventurer dans le "Temple" de l'Eurovision. Pour accéder au "village Eurovision", il faut bénéficier d'une accréditation, matérialisée par un badge que l'on met autour du cou. Et encore ! Le système de sécurité mis en place est tellement imposant que des zones ont été créées pour les accrédités. Chaque personne dispose d'un certain niveau d'accréditation qui ne lui permet pas de se rendre dans tous les endroits du Spektrum. Les zones d'accréditation sont les suivantes :

Zone 1 : Spectateurs / public
Zone 2 : Presse
Zone 3 : Commentateurs
Zone 4 : Orchestre
Zone 5 : Intermède
Zone 6 : Artistes (Interprètes, auteurs, compositeurs), chefs d'orchestre, chefs de délégations.
Zone 7 : Techniciens et régie de production.

© Pascal Cordier 1996
Photo Pascal Cordier © 1996

 

Tout est donc hiérarchisé. La 1ère zone est la plus accessible et la zone 7 la moins accessible. Ceux qui sont accrédités pour les zones autres que la 1ère peuvent bien sûr avoir accès aux autres zones, si tant est qu'elles soient inférieures. Ainsi la régie de production se trouve être le pilier suprême de l'organisation. Située au-dessus de la scène, même les artistes n'ont pas le droit de s'y rendre.

Ce lundi, les douze premiers pays, dans l'ordre de passage, répètent au Spektrum alors que les onze autres tournent pour la partie norvégienne des cartes postales. La pause pour seulement quelques secondes d'apparition à la fin de la vidéo nécessite tout de même une heure et demi de travail pour les candidats. Un car vient chercher les artistes. Ceux-ci doivent être présents dans le hall d'entrée du Plaza 10 minutes avant l'heure précisée. C'est la Slovénie et les Pays-Bas qui partent en premiers, à 9 h 30. Lisa Del Bo partira à midi, au même moment que l'Irlande et la Finlande.

© Pascal Cordier 1996
Photo Pascal Cordier (C) 1996

 

Pendant ce temps, au Spektrum, on se prépare. Le programme des répétitions est extrêmement chargé. Chaque participant aura droit à 25 minutes de répétitions individuelles. Il devra être présent dans la Green Room dix minutes avant l'appel. L'appel des artistes est un moment crucial pour les techniciens : d'une durée de quinze minutes par candidat, il permet le réglage des instruments et micros, et donne les dernières directives à l'orchestre. Else-Marie Stolt-Nielsen vient chercher l'artiste dans la Green Room, l'accompagne sur la scène et le présente au Régisseur, M. Tore Brockstedt. La montée sur scène est un grand moment d'émotion pour l'artiste, car il découvre enfin la gigantesque scène et nous ne doutons pas qu'à ce moment, il pense à samedi soir et s'imagine la salle remplie de spectateurs et les 18 caméras braquées sur lui. Après ces quinze premières minutes, l'artiste peut enfin répéter sa chanson pendant 25 minutes. Les candidats doivent impérativement revêtir leur costume de scène (chaussures comprises), afin de travailler avec le directeur de scène, le chef éclairagiste et l'équipe de réalisation, dans le but d'être filmé sous les meilleurs auspices.

 

A l'issue de cette première répétition individuelle (appelé "call reherseal") l'artiste visionne sur un petit écran sa performance durant 20 minutes, acceptant les critiques qu'on peut lui faire et ce, dans le but d'améliorer sa prestation lors de la prochaine répétition. La salle de visionnage se trouve derrière la scène. Ce n'est pas fini pour le candidat : après cette première séance d'auto-critique, il s'en va retrouver des conseillers en maquillage et habillage. S'ensuit alors une conférence de presse, d'une durée de 20 minutes maximum et pour finir une séance photo au studio du centre de presse. Le candidat est alors libre pour le reste de la journée (à moins qu'il n'accepte une interview d'un journal). Vous le voyez, les premières répétitions ne sont pas de tout repos et l'on peut presque parler de parcours du combattant. C'est la Turquie qui a l'honneur de commencer ce parcours : appel des artistes à 11 h 00 et répétition de 11 h 15 à 11 h 40. Vient alors la dynamique Gina G. , puis le sympathique espagnol. A 13 h 00, c'est la pause ! Une heure à peine pour manger et les techniciens et musiciens repartent de plus belle à 14 h 00 avec la jolie portugaise. Certains sont déjà très éprouvés par cette première journée. Ainsi Marjaa-Liis, la candidate estonienne, n'est pas très en forme et se "casse la voix" sur une note plus aiguë. A 18 h 00, nouvelle pause d'une heure juste après la Suisse pour repartir du bon pied à 19 h 00 avec la Grèce. Les musiciens rangeront leurs instruments à 21 h 00, après le passage d'Elisabeth Andreassen. Si l'on compte le visionnage, la causerie du maquillage, la conférence et la séance photo, la candidate norvégienne a dû terminer à 22 h 30 ! Juste à temps pour assister à la réception d'accueil que donne le maire, à la mairie d'Oslo. Il est en effet pour cette première soirée officielle Eurovision l'hôte de la réception qui a lieu au siège de la Mairie de la ville. Cet impressionnant bâtiment est un élément unique dans le paysage d'Oslo. Achevé et inauguré en 1950, il est célèbre pour ses grandes fresques, sa position géographique dominant la baie du fjord d'Oslo, et aussi pour être le lieu où s'est déroulé la cérémonie de remise du Prix Nobel de la Paix en 1995. Ce n'est donc pas un hasard si la candidate bosniaque y a tourné sa carte postale, cet après-midi à 14h00.

 

Mardi 14 mai 1996

Cette journée est aussi chargée que celle d'hier. A 9 h 30, un petit déjeuner est donné à la Maison Heftye pour les chefs de délégations. Construite dans les années 1860, la maison Heftye faisait partie du frognerseteren. Dans cet hôtel particulier, dont le propriétaire était banquier de son état, ont séjournés des hôtes distingués comme le Roi Edouard VII et le Président des États-Unis Ulysse Grant.

Concernant le travail Eurovision, on inverse les rôles : les douze premiers pays (Turquie à Norvège), vont tourner les cartes postales tandis que les onze autres répètent au Spektrum, de 11 h 00 à 20 h 20.

A 18 h 30, au troisième étage du Spektrum a lieu une réunion d'instructions aux commentateurs. Cette réunion se déroule dans la salle de conférence de presse, jouxtant le centre de presse.

A 19 h 30, on fait encore la fête aux chefs des délégations. Une réception est en effet donnée en leur honneur à la résidence des Hôtes Officiels de l'Etat, à Parkvejen. Cette réception est organisée par le ministère de la culture qui a à sa tête, on le sait, Madame Ase Kleveland, candidate de l'Eurovision 1966 et présentatrice du Concours de Bergen en 1986. Preuve du respect que l'on porte à l'Eurovision en Norvège : les délégations sont reçues au même titre qu'un chef d'Etat !

Elisabeth Andreassen, à 22 h 00, donne un spectacle dans une petite salle d'Oslo, en compagnie de Johnny Logan et d'autres artistes ayant représentés la Norvège à de précédents concours.

 

Mercredi 15 mai 1996.

C'est reparti pour un tour. Le groupe 1 (Turquie à Norvège) répètent dans les mêmes conditions que lundi, à deux exceptions près : l'appel des artistes est réduit à dix minutes par pays et la séance photo est supprimée. La Norvège clôture donc cette journée de répétitions à 19 h 20.

Comme toutes les cartes postales ont été tournées, les artistes du deuxième groupe sont totalement libres pour la journée. Aussi leur a-t-on concocté un programme très riche en divertissement. Ainsi, à 10 h 30, nos candidats chanceux sont partis direction le Musée des Arts Populaire Norvégiens. Ce musée est en plein air. Les candidats peuvent alors admirer les arts, les métiers et les danses populaires traditionnelles et assister à la préparation du fameux poridge norvégien, à la cuisson du "lefse", et bien sûr dégustés les plats confectionnés. Ce musée abrite aussi quelques beaux "morceaux d'architecture" comme la fameuse église en rondin de bois, ainsi qu'une exposition sur le Concours Eurovision de la Chanson et plus particulièrement sur les participations norvégiennes des origines à nos jours.

A 13 h 00, nos amis quittent ce joli musée pour une excursion sur le Fjord d'Oslo à bord de trois des plus élégants voiliers de la capitale, où un déjeuner leur est servi.

A 19 h 00, l'Euro Club se déplace à Sentrum Scene, situé à quelques minutes de marche de l'Oslo-Spektrum. On peut alors applaudir Morten Harket et son orchestre. Des rafraîchissements et des snacks sont servis aux invités.

 

Quant à moi, c'est aujourd'hui que je débarque en terre norvégienne, à l'aéroport de Fornebu, en fin d'après-midi. Mon rêve se réalise enfin : visiter la Norvège (pays dont je suis tombé amoureux après avoir vu le Concours de Bergen à la télévision en 1986) ; et assister à un Concours Eurovision.. Dès mon arrivée à Oslo, je sens toute l'importance que les Norvégiens accordent à l'Eurovision. A l'aéroport, les logos du Concours sont affichés un peu partout. Avant de prendre les bagages, je passe devant le bureau d'accréditation avec un petit pincement au cœur. Ce ne sera pas encore cette année que j'aurais droit au sacro-saint petit badge permettant l'accès au "village Eurovision" pendant toute la semaine des répétitions.

L'agence de voyage norvégienne ne nous avait pas donné les billets pour le spectacle mais nous avait promis qu'ils seraient disponibles à la réception de l'hôtel. Nous autres, les fans de l'Eurovision, nous avons nos phobies juste avant l'Eurovision : peur d'une panne de courant... d'un orage... Cette année, ces doutes ne faisaient pas partie de mes préoccupations. En revanche, j'avais peur du scénario-catastrophe que je m'étais forgé dans ma petite tête : et si les billets n'étaient pas à l'hôtel ? Et s'ils étaient perdus ? Ou volés ?... Rien de cela n'est arrivé et l'enveloppe miracle m'attendait sagement, avec les trois billets pour l'entrée du Spektrum. Je pouvais enfin réaliser ce m'arrivait : dans deux jours, j'occuperai une des 10.000 places de l'Oslo Spektrum.

 

Jeudi 16 Mai 1996.

La température à Oslo a chuté considérablement. Il fait froid dehors... mais il fait chaud dans les cœurs. Le programme de ce jour est le même que celui d'hier. Ceux qui on répété le mercredi vont faire l'excursion et les autres vont travailler.

C'est le jour de l'Ascension. Armé d'un pull polaire, je décide d'explorer les rues d'Oslo. Elles sont quasi désertes et les magasins sont fermés. D'emblée, je me suis senti à l'aise sur cette terre norvégienne. Les rues d'Oslo sont truffées de logo du Concours : on en voit sur les vitrines des magasins, sur des pancartes publicitaires, mais aussi sur les tramways. La presse n'est pas en reste : chaque édition du plus grand quotidien norvégien (VG pour ne pas le citer), consacre chaque jour une bonne dizaine de pages à l'événement. Bien évidemment, je n'ai pas résisté au plaisir d'approcher le Spektrum. La salle de spectacle se trouve au beau milieu de la ville d'Oslo. Il y a beaucoup d'animation à cet endroit et je vois, non sans une certaine envie, les gens arborant fièrement leur badge d'accréditation. Je croise le chanteur chypriote et quelques autres personnalités de l'Eurovision.

 

Vendredi 17 mai 1996.

C'est un grand jour pour le pays : la fête nationale. Elle a un sens particulier pour les Norvégiens. Pas de feux d'artifices, pas de pétards hurlants... simplement une grande fête célébrée par l'ensemble du peuple norvégien qui se réunit dans la rue, drapeau en main et vêtu de leur costume traditionnel. Sur la "Karl Johan", les drapeaux des nations concurrentes à l'Eurovision laissent la place aux drapeaux norvégiens. Ce matin, les enfants d'Oslo défilent sur cette rue, filmés en direct par la NRK. Ils atteignent le Palais Royal vers 10 h 30. Le Palais Royal est d'ailleurs le centre de cet événement national : la famille royale apparaît au balcon pour saluer et féliciter les enfants. Tout ceci dans une ambiance unique. NRK profite de cette fête pour filmer un reportage qui sera diffusé entre la chanson norvégienne et française.

A 8 h 30, les chefs de délégations sont invités à l'Oslo Ladegard pour un petit déjeuner copieux. Au lendemain du grand incendie de 1624, le roi Christian IV voulant assurer les réserves de blés, s'installa dans ce bâtiment qui était situé dans les prairies du sud d'Oslo. Telle qu'elle se présente actuellement, la constructions fût érigée en 1725 sur les fondations de l'ancienne, qui avait été détruite par un incendie. C'est une construction à un étage, en briques, de style baroque. Elle est la propriété de la ville d'Oslo depuis 1956.

A 11 h 00 débute le déjeuner offert par les délégués et la presse à la Mairie de la ville.

Mais fête nationale ou pas, il faut penser à répéter. A 11 h 00, Ingvild et Morten répètent la procédure de votes en présence des scrutateurs de l'UER (Christine Marchall Ortiz en tête). Il faut dire que cette année 1996, et pour la première fois, NRK utilise un studio virtuel pour la procédure de votes. La présentatrice doit simuler le fait qu'elle se trouve à côté du tableau de vote et doit "naviguer" dans ce tableau. L'exercice n'est pas simple et c'est la raison pour laquelle les répétitions des votes sont intenses. La répétition dure jusqu'aux environs de 14 h 00, avec une pause déjeuner de midi à 13 h 00. A 14 h 30 débute la toute première répétition générale, sans public pour cette fois. Interprètes, auteurs, compositeurs et chefs d'orchestre se doivent de respecter le timing. Ils doivent être présents dans la Green Room, maquillés et costumés, au moins 20 minutes avant le signal d'appel en scène indiqué sur le tableau des horaires. La première répétition comprend également la présentation et la reprise du titre vainqueur. Comme le veut la tradition, c'est la dernière chanson du show qui gagne, aussi "One More Time" est-il revenu chanter "Den Vilda".

Pendant ce temps, je m'emploie à visiter les alentours d'Oslo. J'ai pris le ferry et suis allé au fameux Musée Folklorique et à l'exposition sur le Concours Eurovision, ainsi que bon nombre d'autres musée.

A 18 h 00, la première répétition prend fin tandis que nous piaffons d'impatience devant les portes de l'imposant Spektrum, attendant qu'elles s'ouvrent pour assister à la répétition générale du soir. Pendant ce temps, on s'arrache les derniers billets mis en vente. Les portes ouvrent finalement à 18 h 15. A la surprise générale, il n'y a pas de portique de détecteurs de métaux, ni de fouilles. Les fans que nous sommes se précipitent à la boutique Eurovision située juste à l'entrée. Enfin nous pénétrons dans la gigantesque salle de spectacle et je dois avouer avoir été impressionné par l'immensité de la scène et par le décor, très moderne et plus spectaculaire qu'à la télévision.

19h30. La répétition générale débute directement avec la chanson de Morten "Heaven's not for saints". Petit ratage au départ : la chanson s'arrête brutalement. C'est toujours un peu effrayant pour les organisateurs, et ce sont dans ces moments que le spectre de Zagreb 90 refait surface. Morten reprend la chanson, et Ingvild arrive. A la stupéfaction générale, la jeune femme a revêtu le costume traditionnel de sa ville natale, en hommage à la fête nationale. La répétition est diffusée dans les mêmes conditions que le direct, avec la diffusion sur le réseau Eurovision sur les deux écrans géants disposés aux extrémités de la scène. Tout est calculé : les textes des présentateurs, leurs plaisanteries... rien n'est laissé au hasard. Et cette répétition est la réplique de ce qui sera donné aux téléspectateurs samedi soir, à l'exception du clip d'introduction et du petit reportage sur la fête nationale qui n'étaient pas encore prêts. D'autre part, NRK n'avait pas encore reçu les vœux de Philippe Douste-Blazy pour Dan Ar Braz. Au cours de la répétition, la procédure de vote est entièrement fictive. Ce sont les services permanents de l'UER qui établissent les votes attribués par les différents pays. Ce soir, le jurys ne sont pas encore présents. Même les secrétaires des jurys (ceux qui énoncent les votes pour leur pays) sont parfois des secrétaires fictifs, comme par exemple la secrétaire suisse. NRK a eu pas mal de soucis avec la France, où la secrétaire fictive du jury (doublure irréaliste de Laurent Broomhead), n'avait jamais dû voir un Concours Eurovision de sa vie. Elle ne semble d'ailleurs pas ravie d'avoir été désigné pour cette tâche et ne comprend rien à ce qu'on lui demande de faire. "Qu'est-ce que je fais ici ?", ne cesse-t-elle de dire. Un des techniciens de France 2 lui suggère de chanter, histoire de détendre l'atmosphère. Mais la dame pense alors qu'il ne plaisante pas et réplique d'un ton très sec : "ah non ! je ne chante pas ! Ne me demandez pas ça !". Ce n'est pas fini ! Lorsqu'elle comprend finalement qu'elle doit simplement lire le morceau de papier qu'elle a devant elle, elle énonce les votes à la vitesse grand V, ne laissant pas la moindre chance à Ingvild de reprendre l'énoncé à sa suite. La pauvre présentatrice ne sait pas si elle doit rire ou pleurer. Finalement, Christine Marschall Ortiz prend la décision de laisser passer la France et de rappeler le pays plus tard. Elle n'était pas très contente et dès qu'Ingvild appelle le pays suivant, la scrutatrice se précipite sur le téléphone pour appeler Paris et "passer un savon" aux responsables. France 2 est rappelée à la fin des votes, après avoir pris soin d'expliquer à la charmante personne comment se déroule un vote de l'Eurovision.

A l'exception du groupe "One More Time", les artistes étaient libérés après la fin de leur prestation. Aussi ce sont des doublures que l'on peut voir dans la Green Room au moment des votes. Le groupe suédois s'est prêté avec plaisir au jeu des gagnants et a rechanté "Den Vilda".

La répétition se termine à 22 h 30. A la sortie du Spektrum, le principal sujet de conversation tournait autour des deux ratés de la France (absence d'officiel pour leur vœu et votations). Ensuite, tout le monde réintègre sa chambre d'hôtel pour suivre sur NRK une émission spéciale sur le Concours Eurovision de Bergen en 1986.

 

Samedi 18 mai 1996

Il se passe quelque chose d'exceptionnel, ce matin du 18 mai, comme pour marquer d'une pierre blanche ce jour pas comme les autres : il neige à Oslo ! Un petite tempête de neige un 18 mai, même à Oslo, à de quoi surprendre !

On a remis les drapeaux des 23 pays participants sur la Karl Johan. Ouf ! On a retrouvé le drapeau de la Bosnie Herzégovine.

Etant donné que jeudi et vendredi étaient fériés en Norvège, je n'avais que le samedi matin pour faire mes courses, entendez par-là faire ma provision de disques. Bon, entrez chez un disquaire et entendre "Diggi-Loo, Diggi-Ley" dans les enceintes a de quoi surprendre. Découvrir un bac spécial "Eurovision 96" avec plusieurs singles de cette année, c'est tout aussi surprenant !

Aucune festivité extra-Eurovision n'est prévue aujourd'hui. Le compte à rebours final démarre pour NRK.

11 h 00 : c'est la vérification des équipements, répétition de la technique et vérification de la sono rythmique.

12 h 00 : pendant la pause des techniciens, on nous ouvre les portes du Spektrum pour l'ultime répétition. Je suis content de savoir que je me trouve au tout premier rang, sur la gauche, juste devant la mini-régie. Cette fois, le système de sécurité est mis en place et il faut passer par un portique de détecteur de métaux.

13 h 30 : Début de la répétition finale. Pour la première fois, les juges des différents pays entendent le Concours, retransmis par vidéo. Ils en profitent aussi pour répéter le système de votation. En ce qui me concerne, je n'en crois pas mes yeux ! Pendant les cartes postales, les chefs d'orchestre passent juste devant moi, à quelques centimètres à peine, pour aller prendre place. J'ai été ému de voir Noel Kelehan, malade, obligé de se tenir à une hôtesse.

Le technicien qui s'occupe de donner le signal aux chefs d'orchestre et suivre sur un petit moniteur le déroulement du show était assis à côté de moi, ses écouteurs sur la tête.

La procédure de votes fictive a bien fait les choses : tout le monde a gagné avec 58 points !Cet après-midi, il n'y a pas la reprise de la chanson gagnante. Néanmoins, on a répété la remise du prix. C'est la doublure de Gina G. (pas vraiment ressemblante d'ailleurs), que Morten a pris par la main et qui est venue répéter une victoire qu'elle n'obtiendra jamais.

Durant cette ultime répétition, on a bien senti une petite fatigue de la part des techniciens et des présentateurs. On sentait Ingvild surmenée et plusieurs accrocs ont eu lieu au niveau des prises caméras.

16h30 : A l'issue de la dernière répétition, et pendant une heure, on donne les dernières instructions à l'équipe technique.

17h30 : Une pause de deux heures et demi, la dernière avant le grand direct, autant en profiter pour se détendre.

19h30 : L'entrée du Spektrum grouille de monde. Il pleut dehors et chacun des 10.000 spectateurs venus assister à la grande soirée possède un vêtement de pluie qu'il faut donner à la garde-robe (en échange de 10 NOK). Petit problème : seulement cinq jeunes filles s'occupent du vestiaire. Pour 10000 personnes, c'est un peu juste, d'autant plus que les jeunes filles ne sont pas très "nerveuses" (c'est le tempérament norvégien qui veut ça). Pour ma part, je commence à m'inquiéter en voyant le monde qui grouille devant les vestiaires, et la grosse pendule du Spektrum qui défile. Les instructions de NRK étaient pourtant claires : Le public devait avoir pris place à 20h30, la Reine Sonja devait arriver à 20h45. Or, la sécurité exige que tous les spectateurs soient assis au moment de l'arrivée de Son Altesse Royale. Cependant, à 20h40, il manquait encore la moitié du public, bloqué à la garde-robe. J'ai eu la chance d'arrivée dans l'arène à 20h25.

20h30 : L'animation scénique destinée à faire patienter le public débute avec sur scène Elisabeth Andreassen (la candidate norvégienne) et Hanne Krogh qui, le temps de trois minutes, reforment le dynamique duo des Bobbysocks et interprètent leur titre vainqueur de 1985. Arrive ensuite Nora Brockstedt, la première candidate norvégienne de l'histoire de l'Eurovision qui chante, 36 ans plus tard, "Voi-Voi" et qui n'a rien perdu de sa fraîcheur.

20h45. Le public arrive en masse cette fois. Je suppose donc qu'on a mis des renforts aux vestiaires. Il était temps ! Pendant ce temps, Jahn Teigen entonne son fameux "Mil etter mil", le plus célèbre des "nil point" de l'Eurovision.

20h57. Je vis à ce moment-là les minutes les plus émouvantes de mon existence. Le speaker arrive sur scène et annonce solennellement l'arrivée de la Reine Sonja. Le public, assez dissipé jusqu'à présent, se tait et dans un silence digne, se lève. La Reine arrive sous l'hymne nationale norvégien et une fois qu'elle atteint sa place, le public lui fait une ovation. Ce qui m'a vraiment ému, c'est le respect du peuple norvégien pour leur souveraine. Faire taire d'un seul coup, en une fraction de seconde, 10000 personnes, il y a de quoi surprendre.

20h59. Autre grand moment d'émotion... c'est la minute de transition. La minute où tout bascule. Les deux écrans géants (qui diffuseront le Concours comme les téléspectateurs le verront), affichent le logo d'Eurosong 96 avec le compte à rebours. A chaque seconde passée, le public, déjà bien chauffé, frappe dans ses mains. A partir des dix dernières secondes, les 10000 personnes ne forment plus qu'une seule voix qui égrène le compte à rebours. Five... four... three... two... one...

 

Et c'est ici que vous nous avez rejoint, et ce pendant trois heures d'un spectacle complet. Vous voyez donc qu'avant que les images arrivent chez vous, le parcours est long... très long ! "Trop long", disent certains artistes obligés de se bloquer toute une semaine. "Long, mais nécessaire", répliquent les techniciens. Une semaine Eurovision, c'est en tout cas une expérience unique en son genre.

Je suis allé par la suite à Dublin l'année suivante, puis à Stockholm, et j'irai sans aucun doute à d'autres Concours Eurovision, mais en tout cas, Oslo 1996 restera mon plus beau souvenir au pays de l'Eurovision.

Texte et photos Pascal Cordier

Christian MASSON © décembre 2000 - CMA / PC 2000-2001

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mise à jour de la page le samedi 11 mars 2006
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